Par Martin Achard
Sous plusieurs rapports, la boxe a énormément changé depuis les premières décennies du 20e siècle. Entre autres, à l’époque, les boxeurs ayant encaissé des défaites en début de carrière s’en trouvaient beaucoup moins stigmatisés qu’aujourd’hui et ils pouvaient donc, en persévérant, continuer à aspirer aux plus grands succès.
Aucun parcours pugilistique du passé n’illustre mieux cette vérité que celui de Henry Armstrong. «Homicide Hank» fut en effet mis K.-O. à son premier match chez les professionnels en 1931, et après cinq combats, son palmarès s’établissait à une seule victoire et quatre revers. Mais Armstrong refusa d’abandonner et, à force d’améliorations, il en arriva à connaître une carrière fabuleuse, tellement à vrai dire que certains de ses exploits paraissent proprement surhumains. Voici ses principaux faits d’armes, qui sont d’autant plus remarquables qu’ils furent réalisés à une époque où les boxeurs noirs étaient constamment en butte à diverses formes d’injustices graves.
Après les résultats décevants obtenus dans ses cinq premières sorties chez les pros, Armstrong se battit à 66 reprises entre le mois d’octobre 1932 et la fin de 1936. Au cours de cette période, il perfectionna son style, soit celui d’un pressure fighter infatigable, excellant dans les esquives et le combat au corps-à-corps, et il décrocha de brillantes victoires contre des pugilistes de tout premier ordre, dont Midget Wolgast, Baby Arizmendi, Juan Zurita et Mike Belloise.
En 1937, il s’imposa pour la première fois comme un immortel du ring. Il remporta en effet 27 victoires en 27 matchs, dont 26 par K.-O. ou T.K.-O. Cinq de ses victoires furent acquises contre des adversaires classés dans le top 10 mondial et, en octobre, il fut couronné champion du monde des poids plumes lorsqu’il allongea pour le compte Petey Sarron au sixième round.

En 1938, il connut une autre année d’anthologie. Non seulement gagna-t-il les 14 combats qu’il disputa, dont dix par K.-O., mais en l’espace de seulement 79 jours, entre mai et août, il ajouta à sa ceinture mondiale des mouches celle des poids mi-moyens, grâce à un triomphe aux points en quinze reprises sur Barney Ross, puis celle des poids légers, grâce à une victoire par décision en quinze rounds sur Lou Ambers. Il détint ainsi pendant un temps trois titres mondiaux unifiés dans trois catégories de poids différentes, un exploit unique dans l’histoire du noble art.

Après son triomphe sur Ross en mai 1938, il défendit avec succès sa couronne des mi-moyens à 19 reprises en 28 mois, dont trois fois en mars 1939 et cinq fois en 21 jours au cours du mois d’octobre 1939 (oui, vous avez bien lu: cinq fois en 21 jours). Ses 19 défenses victorieuses établirent un record chez les welters, qui tient encore à l’heure actuelle. Autre fait remarquable: Armstrong, qui n’avait pas la carrure d’un mi-moyen, effectua ses 19 défenses en se battant presque toujours entre 135 et 140 livres, soit de sept à douze livres en deçà de la limite de la division.

En mars 1940, il tenta de remporter une quatrième ceinture, cette fois chez les poids moyens, quand il affronta Ceferino Garcia (un boxeur qu’il avait précédemment vaincu), dans un combat reconnu comme un championnat du monde par l’État de la Californie. Il domina Garcia selon la plupart des observateurs, mais le match fut déclaré nul.
En tout, Amstrong obtint 152 victoires au cours de sa carrière, dont 101 avant la limite. Parmi les combattants de grande élite qu’il a réussi à défaire, on notera, en plus de ceux mentionnés plus haut: Benny Bass, Chalky Wright, Pedro Montanez, Fritzie Zivic, Lew Jenkins, Tippy Larkin et Sammy Angott. Son palmarès de victoires compte les noms d’une dizaine de membres de l’International Boxing Hall of Fame (IBHOF) et de plus d’une quinzaine de pugilistes ayant déjà détenu un titre mondial.

Plutôt bien pour un boxeur qui, lors de son premier combat professionnel, s’était fait assommer par Al Iovino, un très modeste adversaire.
