Léo Kid Roy: une figure majeure de la boxe au Québec

Par Martin Achard

Qui connaît aujourd’hui le nom de Léo Kid Roy? Pourtant, Roy fut l’un des boxeurs les plus aimés de l’histoire de la Belle Province, ayant réussi à séduire et à passionner les amateurs, tant francophones qu’anglophones, comme très peu d’autres pugilistes avant ou après lui. Afin de ressusciter un peu sa mémoire, voici quelques faits concernant sa vie et sa carrière, riche d’un nombre impressionnant de 96 combats professionnels, dont presque la moitié eurent lieu à Montréal, une ville où il contribua grandement à populariser la boxe dans les années 1920.

1. Leo Kid Roy

Léo Kid Roy, de son vrai nom Léo Paradis, est né le 8 mars 1901 au sein d’une famille canadienne-française établie à Lowell au Massachusetts. Il était donc américain de nationalité, mais québécois de par sa culture.

2. Lowell Mass 1908611_1908c-loc
Le centre-ville de Lowell (Massachusetts) en 1908

Menuisier de formation, il possédait d’excellentes aptitudes naturelles pour le pugilat. En effet, alors qu’il n’avait jamais combattu chez les amateurs, il prit part un peu par accident à un match professionnel à Lowell en 1920, puis, ayant décidé de se consacrer au noble art, il parvint en moins de deux ans à atteindre un bon niveau comme boxeur. Sa meilleure arme dans le ring était son redoutable crochet de la gauche.

3. Kid Roy 2
Roy à l’entraînement

En 1922, alors qu’il avait en poche une douzaine de combats, tous livrés en Nouvelle-Angleterre, il fit le choix, qui allait rapidement se révéler opportun, de déménager à Montréal pour y poursuivre sa carrière. Dès sa première prestation dans la métropole du Québec en août 1922, une victoire aux points en six reprises contre Kid Watson à l’aréna Mont-Royal, il attira l’attention par son style spectaculaire; et, dès le mois suivant, on lui conféra au même endroit l’honneur de boxer en demi-finale d’un programme, où il impressionna de nouveau en gagnant un furieux combat de huit rounds contre Jackie Sherman.

4. Aréna Mont-Royal (ca 1920)
L’aréna Mont-Royal dans les années 1920

Il fut l’un des premiers pugilistes gérés par le célèbre Raoul Godbout, une figure archi-importante et omniprésente de la boxe au Québec entre 1920 et 1955. Les deux hommes profitèrent énormément de leur association. En effet, avec l’aide de Godbout, Roy devint une superstar à Montréal et au Québec; et en supervisant la destinée de Roy, Godbout développa une part appréciable de l’expérience et du savoir-faire qui allaient lui permettre de devenir un gérant et un promoteur de calibre international.

5. Roy Godbout Seaman (2)
De gauche à droite: Roy, Godbout et l’entraîneur de Roy, Mannie Seamon

Roy est l’un des plus grands champions canadiens des poids plumes de tous les temps. Il remporta une première fois le titre en mai 1923 en triomphant de Curly Wilshur par K.-O. au deuxième round au Théâtre Saint-Denis de Montréal, puis une seconde fois en mars 1924 en défaisant par décision en dix reprises Benny Gould au Coliseum de Toronto. Après sa seconde conquête, il conserva sa couronne de façon continue jusqu’en 1930. Il détint également, pendant de plus brèves périodes, le titre du Commonwealth des poids plumes et le titre canadien des poids légers.

6. Kid Roy Commonwealth
Roy arborant la ceinture de champion du Commonwealth des poids plumes

En avril 1925, son statut de principale attraction de la scène pugilistique québécoise fut confirmé quand il apparut en tête d’affiche du premier programme de boxe présenté au nouveau Forum de Montréal, un programme organisé par l’influent promoteur Alex Moore, un proche collaborateur de Raoul Godbout. À cette occasion, Roy vainquit aux points en dix reprises l’Américain Bobby Garcia devant une assistance de 7000 personnes. Cet évènement, considéré comme un vif succès, fut le premier d’une longue série de programmes mis sur pied par Moore où le nom de Roy orna le fronton de l’amphithéâtre de la rue Sainte-Catherine. Roy possède la distinction d’avoir été, avec le hockeyeur Howie Morenz, la première grande vedette sportive de l’histoire du Forum.

7. Kid Roy et Moore
Roy (à gauche) et Alex Moore

En avril 1926, il eut l’occasion de se qualifier pour un combat de championnat du monde quand il se mesura au Forum, dans un match sans titre en jeu, au champion mondial des poids plumes Louis Kid Kaplan. Il s’inclina par K.-O. au septième round, mais non pas sans avoir chèrement vendu sa peau et livré une belle opposition au champion d’origine ukrainienne.

8. Louis Kid Kaplan
Louis Kid Kaplan

En octobre 1927, il disputa au Forum l’un des premiers grands «combats locaux» de l’histoire du Québec, contre le Montréalais Georges Chabot. Devant ce qui constituait alors une foule record de près de 14000 spectateurs (dont plusieurs occupaient des places debout spécialement créées pour l’évènement), il défendit avec succès son titre de champion canadien des poids légers en venant à bout de Chabot par décision en douze rounds. Cette victoire mit une fois de plus en évidence la remarquable combativité dans l’arène qui le faisait tellement apprécier des amateurs. En effet, même s’il affrontait en Chabot un adversaire plus imposant physiquement que lui, et même s’il frôla le K.-O. en visitant le tapis à la septième reprise, il ne cessa pour autant jamais de prendre l’initiative durant le match et de boxer avec hargne et furie.

9. Kid Roy Montreal Gazette 1926
Pub de bière mettant en vedette Roy, parue dans le Montreal Gazette

En tant que champion canadien des poids plumes, son principal challenger fut le solide pugiliste de la Colombie-Britannique Vic Foley, contre qui il défendit sa ceinture pas moins de cinq fois entre 1926 et 1928, récoltant trois victoires et deux verdicts nuls. Leur dernier affrontement, tenu à Vancouver, est particulièrement digne de mention. Après en effet avoir vu Foley creuser une avance significative au cours des sept premiers rounds du match, il parvint à revenir de l’arrière et à administrer à son rival une raclée lors des cinq derniers, ce qui lui permit d’arracher une victoire aux points.

10. Roy et Foley Octobre 1926

Sa carrière subit un recul en octobre 1928 quand il fut mis K.-O. en deux rounds au Forum par le très bon boxeur anglais Al Foreman, un adversaire qu’il avait réussi à vaincre quatre ans plus tôt. Par la suite, il conserva l’essentiel de sa popularité auprès du public québécois mais, se sachant sur la pente descendante comme athlète, il prit la décision de se retirer définitivement du ring à la fin de 1930. Son palmarès final s’établit à 71 victoires (dont 20 par mise hors de combat), 22 revers et trois matchs nuls.

11. Roy et Godbout 1946
Roy (à l’extrême gauche) et Raoul Godbout (le deuxième à partir de la gauche) en 1946

Après sa retraite, il tenta sa chance, sans succès, dans le monde des affaires, et mourut d’une crise cardiaque à Montréal en octobre 1955.

Note: la photo de couverture du présent article de même que les première, troisième, cinquième, sixième, septième et onzième photos se trouvant dans le corps du texte sont tirées du fonds du journal La Presse de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).

Principales sources utilisées

Anonyme, «Small Crowd Saw Wills in Action», The Montreal Gazette, 10 août 1922.

Anonyme, «Smith et Ebor font encore partie nulle», La Presse, 21 septembre 1922.

Anonyme, «Kid Roy Awarded Judges’ Decision Over Bobby Garcia», The Montreal Gazette, 21 avril 1925.

Anonyme, «Kid Roy Defeats Vic Foley; Holds Canadian Crown», The Montreal Gazette, 6 novembre 1928.

Charles Mayer, «Raconter l’histoire de Léo Kid Roy c’est rappeler les plus beaux jours de l’histoire de la boxe à Montréal», Le Petit Journal, 23 juillet 1939.

Charles Mayer, «Kid Roy perdit face au champion mondial Kid Kaplan mais remporta le championnat poids léger canadien contre Newton», Le Petit Journal, 27 août 1939.

Charles Mayer, «Combats sensationnels de Roy contre Vic Foley, Al Foreman et Georges Chabot», Le Petit Journal, 3 septembre 1939.

Anonyme, «Kid Roy Dead», The Ottawa Journal, 5 octobre 1955.

Rosaire Barrette, «Léo Paradis dit Léo « Kid » Roy», Hebdo-Revue. Le Progrès du Saguenay, 11 juin 1960.

Gilles Janson, Un boxeur gentilhomme: Eugène Brosseau, 1895-1968, Québec, Septentrion, 2005.

Serge Gaudreau, articles «Raoul Godbout», «Alex Moore» et «Léo Paradis (Léo Kid Roy)», dans Gilles Janson (éd.), Dictionnaire des grands oubliés du sport au Québec (1850-1950), Québec, Septentrion, 2013.

BoxRec

Note: Les sources sont listées en ordre chronologique de publication, des plus anciennes aux plus récentes.

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